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« Les obsessions et la psychasthénie » de Pierre Janet, 1903

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Message par LaurentA Dim 23 Oct - 15:00

« Les obsessions et la psychasthénie » de Pierre Janet, 1903


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Pierre Janet a été le premier médecin psychologue qui s'est intéressé aux troubles connus sous le nom contemporain de TOC. Pierre Janet accorde autant d'important à l'état de ces patients (psychasthénique) qu'à leurs symptômes. On trouve donc dans cet ouvrage une description précise et approfondie des phénomènes psychiques caractéristiques des troubles obsessionnelles.

A noter que le titre d'ailleurs que le titre n'est pas forcément pertinent puisqu'il semble accorder une importance principale aux obsessions alors que l'auteur précise bien dans l'ouvre que l'état psychasthénique est caractérisé même par l'absence d'obsessions et même d'agitations forcées (correspondant à ce qu'on appelle aujourd'hui les compulsions) et en présence uniquement de ce qu'il appelle les stigmates psychasthéniques.

Il est absolument impossible de passer à coté d'un tel ouvrage (en deux volumes) dans une bibliographie sur les TOC (bien que certainement peu de psychiatres ne l'ait vraiment lue).

Extraits

La recherche peut dépasser les faits du passé et ceux de l’avenir ; elle peut porter sur tous les problèmes scientifiques ou philosophiques. C’est la recherche pour la recherche, sans intérêt immédiat.
Cette forme de la manie est la plus connue, elle se trouve décrite souvent sous le nom de folie de l’interrogation, folie métaphysique, etc. C‘est le Grübelsucht, le Fragetrieb des auteurs allemands, c’est l’une des formes de la psychasthénie qui a été décrite en premier lieu par Griesinger. Un de ses malades ne pouvait entendre le mot “beau“ sans se poser malgré lui une série inextricable et indéfinie de questions sur les problèmes les plus obtus de l’esthétique. Le mot “être“ le lançait dans la série des discussions métaphysiques. “Je ruine ma santé, disait-il, en pensant sans cesse a des problèmes que la raison ne pourra jamais résoudre et qui malgré les efforts les plus énergiques de ma volonté me fatiguent sans trêve. Le cours de ces idées est incessant... Cette réflexion métaphysique est trop continue pour être naturelle..., chaque fois que ces idées reviennent, je tente de les chasser et je m’exhorte à suivre la voie naturelle de la pensée, à ne pas m’embrouiller le cerveau de choses abstraites et insolubles et cependant je ne puis me soustraire a l’impulsion continuelle qui martèle mon esprit.“ Depuis ce travail de Kriesinger, cette manie mentale a été décrite bien souvent. “L’obsession peut prendre la forme interrogative, disait M. Saury: “Pourquoi les couleurs sont-elles inégalement réparties, les arbres verts, les pantalons rouges, le deuil en noir ? Pourquoi les hommes ne sont-ils pas plus grands ?“ Une observation de M. Ladame est fort remarquable : il s’agit d’une femme qui depuis l’enfance se posait a elle-même toute espèce de questions insolubles dont elle cherchait en vain la réponse de manière a troubler toute son activité. Ce sont des questions relatives à la création (Schöpfungs-fragen). “Est-ce que le monde a pu se faire tout seul ? Peut-on diviser un objet en parties infiniment petites ? Comment l’âme sort-elle du corps, etc.“
J’ai pu observer chez de nombreux sujets tous les degrés de ces recherches depuis les questions les plus humbles sur le costume, jusqu’aux plus grands problèmes métaphysiques. Elg..., jeune femme de 19 ans, s’interroge a propos du costume que porte la personne qu’elle regarde : “Pourquoi porte-t-on un tablier ? Pourquoi met-on une robe ? Pourquoi les messieurs n’ont-ils pas de robes ?“ et quand elle s’absorbe dans ces questions elle ne peut ni écouter ni répondre. Un homme de 37 ans, Qs..., s’interroge sur la fabrication des objets, a comment a-t-on pu faire une maison ? un bec de gaz ?“ Il essaye de s’arrêter en murmurant : “Allons, ne t’emballe pas, n’y pense pas“ mais il revient a la question : “Comment peut-on faire brûler du gaz ? Comment de l’air peut-il s’enflammer et éclairer ?“ Rost... se borne a chercher “la définition du violet“. Za... s’interroge sur des problèmes de morale : “Qu'est-ce qu’une mauvaise pensée? En ai-je eu avec on sans mon consentement ?. Car tout est la, mais qu’est-ce que c’est qu’un consentement ?“ Za... est resté 3 ans à méditer sur le mot “consentir“ sans arriver à une solution.
Nem..., après avoir éprouvé un sentiment d’étonnement en voyant un individu qui lui paraissait drôle, trouve tout surprenant et s’interroge sur tout. “Comment se fait-il qu’il tonne, qu’il y ait des éclairs, qu’il y ait un soleil, qu'il fasse jour ou nuit ? Si on n’avait pas de rivières et pas d‘eau comment est-ce qu’on ferait pour boire, pour laver ? Et si on n’avait pas d’yeux comment est-ce que l’on ferait pour voir ?“
Nb..., à propos de la critique des sens et de l’intelligence se pose une foule de problèmes philosophiques : non seulement, comme nous l'avons vu, elle interroge sur le caractère direct ou indirect de la perception sensible, mais elle cherche aussi a comprendre la nature de l’entendement, la signification de la parole ou de l'écriture. “Comment des petits points noirs sur le papier peuvent-ils contenir une pensée ? Comment les mots viennent-ils dans ma bouche en même temps que je pense ? Est-ce donc une indication de la pensée ? Je me perds là-dedans... Comment la parole qui est un bruit peut-elle transporter la pensée qui n’est pas une chose matérielle ? Ah, si je pouvais oublier tout cela ?... Comment se fait-il que je comprenne une personne en dehors de moi ? Comment se fait-il que j’aime ma fille qui est en dehors de moi ?“
Il est curieux de remarquer que ces spéculations ne se présentent pas uniquement chez les personnes intelligentes et cultivées, elles se retrouvent presque identiques chez des femmes du peuple absolument sans éducation. Nadia, qui est une femme très instruite et qui a beaucoup lu, s’interroge “sur la religion, sur la vie future, sur les mystères de l’âme... que deviendra mon âme, que deviendra l’âme du monde ?“ Cela semble assez naturel. Mais Hm..., femme de 21 ans, domestique à la campagne, habituée aux durs travaux d'une ferme, qui sait à peine lire et qui ne sait pas écrire, est tourmentée après un accouchement par les mêmes idées. “je ne puis pas savoir comment cela se fait qu’il y ait du monde, pourquoi y a-t-il des arbres, des bêtes, qu’est-ce que tout cela va devenir plus tard quand tout sera fini ?...“ Il y a là un besoin de spéculation, de travail mental, qui s’effectue indépendamment des connaissances acquises et des capacités du sujet pour discuter les problèmes qu’il se pose.

[...]

Mon Dieu, pense-t-il, voilà, une phrase qui s’en va dans l’étérnité et je ne l'ai pas comprise

[...]

On observe aussi des troubles qui se développent avant la naissance des manies mentales et des obsessions, que nous retrouvons chez des malades simplement neurasthéniques, n’ayant aucune opération forcée. Enfin le raisonnement peut dans une petite mesure confirmer les remarques précédentes, quand il montre que ces troubles psychologiques ont été chez le malade le point de départ et non la conséquence des obsessions. Malgré ces précautions, je continue à croire la recherche de ces troubles très difficile et la liste que j’en donne me semble devoir être souvent modifiée.

[...]

Le mot incomplétude est un barbarisme que je prie le lecteur d’excuser, je n’ai pu désigner mieux le fait essentiel tous les sujets se plaignent, le caractère inachevé, insuffisant et incomplet qu’ils attribuent à tous leurs phénomènes psychologiques

[...]

Les memes entétements et les memes resistances se reproduisent chez Claire et amenent des scenes qui sont véritablement comiques. Claire vient de me dire qu’elle est désolée de s’accuser elle-meme d’immoralité, car elle sait an fond que ce n’est pas vrai. Je lui réponds en abondant dans son sens, en lui disant qu’elle est une jeune fille tr‘cs estimable et que je la sais incapable de toute malhonnéteté. La voici furieuse contre moi, disant que je me moque d’elle, que je n’en pense pas un mot, qu’elle ne tolérera pas qu’on la contredise ainsi. Elle se met à pleurer et elle supplie qu’on ne lui enléve pas son dernier espoir. “Si je ne me croyais pas immorale, je ne ferais plus aucun effbrt pour arriver a me changer, je serais absolument perdue.“ Jamais elle ne tolere au fond qu’on centredise son délire. En réalité la permanence de l'idée n’est pas chez les scrupuleux un fait aussi automatique que chez les hystériques; il résulte un effort permanent pour maintenir l’attention sur une meme idée; c’est une sorte de manie de la fixité des idées.

[...]

nous constatons que chez le scrupuleux les actes volontaires sont l’occasion d’une foule de sentiments anormaux, qui peuvent se résumer en un mot: le sujet sent que l’action n’est pas bien faite. qu’elle n’est pas faite complètement, qu’il lui manque quelque chose.

[...]

Les crises précédentes de rumination, d'agitation ou d'angoisse commencent à l'occasion d'un travail intellectuel, d'une perception, d'un effort d'attention comme à l'occasion d'un acte volontaire. On retrouve à propos de cette opération intellectuelle volontaire. On retrouve à propos de cette opération intellectuelle les mêmes sentiments que nous avons constatés propos des actes volontaires.

[...]

Quand je tiens une conversation, dit Jui..., je voudrais bien pouvoir penser à ce que je dis. Lise sent toujours un engourdissement, un état vague, une gène énorme de la pensée ; elle n'a jamais la disposition de l'esprit tout entier, elle sent qu'elle ne se donne jamais complètement à ce qu'elle fait “ce que je lis, même ce que je regarde, n'est pas bien net pour moi, c'est que je pense toujours à autre chose“. Gisèle se fixe plus facilement sur des idées que sur des objets, cela est à retenir, mais même quand il s'agit des idées abstraites qu'elle préfère elle ne peut jamais penser à une seule idée à la fois, “il suffit que je veuille appliquer mon cerveau pour qu'il brode“.

[...]

Le plus commun de ces sentiments est une impression de mal percevoir, de percevoir incomplètement. De là toutes ces expressions si connues que l'on retrouve clans la bouche de tous les psychasthéniques. “C'est comme si je voyais les choses an travers d'un voile, d'un brouillard, d'un nuage, c'est comme si j'entendais au travers d'un mur qui me sépare de la réalité“

[...]

Les modifications de l'attention ne déterminent pas seulement les sentiments précédents à propos de la perception extérieure, ils déterminent des sentiments du même genre à propos de toutes les opérations de l'esprit, de toutes les conceptions, de toutes les idées.

[...]

Les malades semblent se rendre compte que cette obscurité tient à quelque chose, à une opération mentale mal faite, ils ont constamment comme Jo... le sentiment qu'ils ont oublié quelque chose, qu'il leur manque une opération mentale. Ver... de même qu'il se plaint d'avoir perdu sa personne se plaint d'avoir perdu ses idées : dans son langage sans précision psychologique il dit sans cesse “qu'il ne se fait pas d'idées des choses, qu'il ne peut pas poursuivre ses idées.“ Il a été à l'enterrement d'un de ses oncles et se plaint de ne pas se faire l'idée qu'il est mort. “Que voulez-vous, dit-il en terminant, la vie est de penser et je ne pense pas.“

LaurentA
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